Les sites pornographiques gratuits ne proposent que des photos tristement identiques, mettant en scène des filles blondes décolorées et des jeunes mâles épilés, au visage inexpressif. Très vite, l’imagination tourne en circuit fermé et le besoin d’une relation sexuelle incarnée se fait de plus en plus pressant.
J’opte pour le bois de Vincennes et ses estafettes sagement alignées les unes derrière les autres, le long des terrains de foot. L’endroit a quelque chose de rassurant. Est-ce la proximité des sportifs et leur image de saine robustesse, tellement éloignée de toute turpitude à caractère sexuel ? Ou la présence, parmi les véhicules, de fourgonnettes désaffectées des PTT ? Je ne saurais le dire précisément.
Je garde toutefois mon sang-froid, et décide, dans un premier temps, de me rendre sur les lieux en simple observateur.
Les fourgonnettes sont exclusivement occupées par de jeunes femmes Noires, en soutien-gorge immaculé qui tranche sur leur peau sombre. De petites loupiottes sont disposées sur le tableau de bord, afin que le client puisse juger de la marchandise.
De fait, une file ininterrompue de voitures passe dans l’allée à faible allure. Parfois, une vitre se baisse, on se renseigne sur les tarifs. Même dans ce domaine, les gens sont près de leurs sous.
Un type en jogging avachi descend de son véhicule, une Renault Espace bleu métallisé. Il n’est plus tout jeune, et son crâne dégarni luit sous la lumière des réverbères. Il tape à la vitre d’une camionnette ; aussitôt la porte coulissante s’ouvre. Il grimpe à l’intérieur sans hésitation. Un habitué… L’excitation monte peu à peu.
Bêtement, je m’attends à voir le camion amorcer un mouvement de haut en bas, au moins léger. Rien de tout ça. Dix minutes se passent, l’homme sort. C’est visiblement fini.
Aucune expression de satisfaction sur son visage, rien qui ne laisse deviner les instants de bonheur qu’il vient de passer.
Je suis en train de me dire qu’une nouvelle fois je me montre bien naïf lorsqu’un coup violent retentit sur le toit de ma voiture. Un grand Noir, l’air excité, apparaît à côté de ma portière. « Tu veux quoi ? Qu’est-ce que tu veux ? » Il frappe à nouveau, cette fois sur le capot. Je prends peur et démarre sans plus attendre.
Je fais craquer la boîte de vitesse, mon cœur est sur le point d’exploser.
En rentrant chez moi, j’allume l’ordinateur. Baigné par le doux halo de l’écran, je retrouve enfin mon calme.