Chaque individu est doté d’une molette de réglage lui permettant de filtrer les pensées qu’il conçoit selon leur niveau d’intérêt. Seules celles jugées assez pertinentes franchiront le barrage sous forme de mots articulés. On pourrait presque dire, pour une fois, que la nature est bien faite, si ledit filtre n’était pas soumis à d'importantes et inexplicables variations selon l'individu observé.
Ainsi il arrive, sans que l'on sache pourquoi, que la molette soit réglée trop haut. Dans ce cas, le sujet ne laisse rien entrevoir de ce qu’il pense et garde tout pour lui, bien enfermé en son for intérieur. Durant des années, il ressasse, tourne en rond, broie du noir, et finit un beau jour par se supprimer.
A contrario, si la molette est réglée trop bas, nous assistons à l'attristant spectacle d’une logorrhée verbale inépuisable et submergeante, le plus souvent marquée d'un fort parfum de narcissisme décomplexé. L’individu déverse sans aucun discernement un discours vidé de toute substance, entraîné vers l'infini par la seule force de son propre néant. Il parle, parle encore, et encore, et finit parfois tragiquement, le cou enserré entre les mains vengeresses d’un proche excédé.
La question est de savoir : qui règle la molette ?