Le groupe est une entité d’une grande bêtise. Plus il compte de membres, plus sa bêtise est grande. Le groupe a pour ligne d’horizon une norme constituée par la moyenne de ses membres. Si, vous situant au-dessus de la norme admise, vous désirez entrer dans le groupe, vous subirez un travail de sape destiné à vous rabaisser, et finalement à vous fondre harmonieusement dans la masse. Si vous êtes en dessous de la norme, vous n’entrerez pas. Le groupe n’a pas pour vocation d’élever les individus.
Le couple est un groupe singulier : deux seulement, et pourtant la machine à normaliser est au maximum de son activité.
Les hasards de la vie nous amènent bien souvent à intégrer un groupe, pour quelques jours, quelques années, parfois plus longtemps encore. Lorsque le moment est venu de le quitter, surtout si nous l'avions intégré à contrecoeur, nous avons tendance à renier cette appartenance qui fait désormais partie d’un passé révolu et somme toute peu appétissant.
Lorsque je suis sorti du lycée, je ne supportais plus les lycéens.
Quand mon année d’armée s’est achevée, je ne pouvais plus voir un militaire sans détourner les yeux.
Quand j’ai quitté la banque qui m’avait employé pendant plus d’un an, la présence d’un banquier à mes côtés m’est vite devenue intolérable.
Quand ma femme m’a fichu dehors, je suis devenu allergique à la famille, à ses couples en pull-over blancs qui se promènent le dimanche au bois de Vincennes en poussant un landau garni de progéniture baveuse.
Quand je serais mort, les vivants auront fini de me désespérer.