Je suis à la montagne. C’est le dernier jour des vacances d'été, et il n’y a pas grand-chose à faire. Je descends à la station pour acheter le journal. En sortant, j’aperçois le tourniquet à carte postale.
Et si j’écrivais pour donner de mes nouvelles ? Oui, mais à qui ?
À côté de moi, il y a des touristes belges. Rougeoyant sous leur bob, on dirait des abat-jour. Pour eux, visiblement, la question ne se pose pas : tout le monde aura droit aux affectueuses pensées : tante Yvette, papi Henri, mémé Jacqueline et même ce grand con de Bertrand, finalement plus bête que méchant
Pour tata Yvette, qui aime tant les animaux mais qui apprécie également beaucoup les documentaires avec de beaux paysages, ils hésitent entre une photo de chatons qu’on a placée de force dans un panier d’osier ou alors une vue aérienne de la station. C’est marrant, fait remarquer la fille, on dirait des HLM, vu comme ça… Elle n’a pas tort. Afin demettre un terme au débat, le père tranche en faveur de la vue aérienne, arguant du fait que durant leur séjour, ils avaient bien vu des montagnes, mais aucun chaton.
C’est d’ailleurs un excellent moyen d’évaluer sa côte de popularité dans le service, car si Sylviane n’aime pas quelqu’un, tout le monde adhère à son opinion sans se poser plus de questions.
J’ai envoyé une seule carte postale, il y a trois ans, la recette du far breton. Elle est toujours accrochée au tableau. Tout va bien.
Ça fait bien dix minutes que je suis devant le tourniquet, et le tenancier de la boutique commence à s’alarmer, ses petits yeux inquisiteurs se fixent à plusieurs reprises sur moi tandis qu’il rend la monnaie aux clients. Il a sans doute peur que je parte avec le tourniquet.
Finalement, je n’achète rien. Si on me demande, je dirais que je n’ai pas eu le temps d’écrire.